À Paris, on se bouscule en ce moment autour des podiums de la Fashion Week Haute Couture. Mais les « fashionistas » dont nous parlent aujourd’hui les chercheurs ne sont pas vêtus de créations de grandes Maisons. Tout simplement de brins d’herbe plantés juste là où il faut…
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L'effet de mode. C'est ce qui se passe lorsque des individus se mettent à suivre les comportements de quelques-uns, alors même que lesdits comportements n'ont pas d'utilité immédiate. Mettre un foulard à son chien en est un bel exemple. Et les êtres humains présentent naturellement cette tendance. À la grande joie des influenceurs qui pullulent sur les réseaux sociaux.
Mais aujourd'hui, ce n'est pas dans un groupe humain que l'effet de mode a été observé. Des chercheurs de l'université d'Utrecht (Pays-Bas) et de Durham (Royaume-Uni) racontent l'avoir observé chez des groupes de chimpanzés.
Le saviez-vous ?
Une sorte d’effet de mode a été observé aussi chez des orques qui se sont mises à porter des saumons morts sur leur tête.
La première fois, c'était dans les années 2010, chez des signes vivant dans un sanctuaire zambien, le Chimfunshi Wildlife Orphanage. Prenant Julie, l'une des femelles du groupe en exemple, des chimpanzés s'étaient mis à placer des brins d'herbe dans leurs oreilles. Une tendance inutile qui s'était pourtant transmise à plusieurs chimpanzés et qui a perduré après le décès de l'instigatrice.
Une mode qui se propage à un autre groupe de chimpanzés
Et voici que les chercheurs rapportent, dans la revue Behaviour, qu'un autre groupe de chimpanzés du même sanctuaire -- mais n'ayant jamais été en contact avec le premier -- a commencé à se mettre des brins d'herbe dans l'oreille. Un effet de mode qui ne s'est pas arrêté là.
Sous l'impulsion de Juma, un mâle, cette fois, ces singes-là ont aussi commencé à laisser pendre des brins d’herbe de leur derrière. Le tout, toujours, sans qu'il y ait de raison apparente. Comme le besoin de soulager une démangeaisondémangeaison. « Je ne m'inquiète pas du pourquoi, explique Edwin van Leeuwen, chercheur à l'université d'Utrecht, dans un communiqué. Ce qui me fascine, c'est que les chimpanzés copient ce comportement les uns des autres. »
L'enquête des chercheurs les a toutefois menés à une explication quelque peu cocasse. Ils ont découvert que les deux groupes de chimpanzés avaient les mêmes soigneurs humains. Des soigneurs qui racontent parfois se mettre un brin d'herbe ou une allumetteallumette dans les oreilles pour les nettoyer. Le tout devant leurs protégés.
Un effet de mode révélateur d’une évolution culturelle ?
Les chercheurs expliquent aussi que si le phénomène n'est observé que chez des chimpanzés en captivité, c'est qu'à l'état sauvage, ces animaux sont bien trop occupés à chercher de la nourriture et à guetter les prédateurs pour s'intéresser à la mode. En revanche, les singes sauvages savent tout à fait copier un comportement utile, qui aide à trouver de la nourriture ou à survivre.
Copier le comportement de l'autre pourrait aussi avoir un but social. Une manière de montrer qu'on remarque l'autre. Peut-être même qu'on l'apprécie. Pour renforcer ainsi le lien social et le sentiment d'appartenance à un groupe. Comme c'est aussi le cas chez les humains.
Ainsi, ces observations faites au Chimfunshi Wildlife Orphanage pourraient bien alimenter le débat de l'évolution culturelle des animaux. Certains, en effet, continuent de penser que les humains sont culturellement plus évolués que tous les autres. Notamment parce qu'ils sont capables, justement, de copier leurs semblables. Y compris dans des détails insignifiants.
« Mais notre étude montre que les chimpanzés sont également capables de copier entre eux de petits comportements inutiles, conclut Jake Brooker, chercheur à l'université de Durham. C'est pourquoi nous avons pensé qu'il était important de partager ces nouvelles observations. »