Tous les feux sont au vert pour que Donald Trump et son gouvernement donnent un coup de tronçonneuse dans le budget de la Nasa. Pour mettre tout cela en œuvre, le Président américain vient de nommer un nouveau directeur intérimaire, Sean Duffy. Qui est-il et pourquoi serait-ce un coup fatal aux sciences spatiales ? Quel rôle joue-t-il dans la guerre entre Trump et Musk ?


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    La Nasa continue d'être au centre de l'attention dans la guerre Trump vs Musk. La nomination de Sean Duffy comme nouveau directeur intérimaire est un rappel à l'ordre de qui contrôle le programme spatial.

    Sean Duffy : de la téléréalité à la Nasa

    Depuis l'investiture du Président américain, la Nasa est dirigée par une intérimaire nommée par la Maison Blanche, Janet Petro, qui dirigeait auparavant le centre spatial Kennedy en Floride.

    On pouvait penser qu'elle allait rester encore quelque temps en bons termes avec Trump, car elle a mis en œuvre sans sourciller toutes les premières coupes budgétaires de la Maison Blanche ces six derniers mois, et elle avait été la première à dissoudre le service dédié à la diversité, l'inclusion, l'équité et l'accessibilité, seulement 48 heures après l'ordre de Donald Trump. En dépit d'un tel zèle, elle est relevée de ses fonctions.

    Sean Duffy, secrétaire aux transports, devient aussi directeur par intérim de la Nasa. © US departement of Transportation
    Sean Duffy, secrétaire aux transports, devient aussi directeur par intérim de la Nasa. © US departement of Transportation

    Voilà un parcours aussi exotiqueexotique que le milliardaire qui, avant de devenir président des États-Unis, a fait fortune dans l'immobilier et le show-business.

    Sean Duffy s'est fait connaître en 1997 dans l'émission de téléréalité « Real World : Boston », puis en animant une émission sur Fox Business. Républicain conservateur, contre l'avortementavortement, Sean Duffy est un allié de la première heure de Donald Trump.

    Peu après son investiture en janvier, Donald Trump le nomme secrétaire aux transports, en charge de 13 agences, dont l'Administration fédérale de l'aviation qui a la responsabilité d'octroyer les licences et autorisations à tout vol spatial depuis le territoire américain. Il n'a jamais été employé par la Nasa, Duffy est avant tout un homme politique, qui a l'oreille du Président, ce qui pourrait s'avérer utile pour porter certaines doléances de l'agence.

    Avenir obscur pour la Nasa

    La seule certitude quant à l'avenir de la Nasa est que Duffy n'aura que très peu de temps à lui accorder car il demeure toujours en poste de secrétaire aux transports au sein du gouvernement. Sa principale mission sera avant tout de porter devant le Sénat le terrible projet de 24 % de coupe budgétaire pour l'année prochaine.

    De plus, la Cour suprême a donné un ultime feu vert à Donald Trump pour réduire massivement les effectifs des agences fédérales américaines. Selon Politico, 2 145 emplois seniors vont être supprimés ou licenciés. Sean Duffy aura également la charge de gérer ces licenciements.

    Le SLS ne devrait pas mourir tout de suite ! La fusée géante devrait encore assurer quelques missions vers la Lune. Et après ? © Nasa
    Le SLS ne devrait pas mourir tout de suite ! La fusée géante devrait encore assurer quelques missions vers la Lune. Et après ? © Nasa

    Si le budget annuel de la Nasa est destiné à une baisse historique, le Congrès a toutefois sauvé plusieurs financements cruciaux à travers le « One Big Beautiful Bill Act » porté par Donald Trump. En effet, les sénateurs y ont inclus 10 milliards de dollars de provisions à dépenser d'ici septembre 2032. Cela inclut un sauvetage du Space Launch System (SLS) et du vaisseau OrionOrion pour les missions Artemis IV et V sur la Lune, alors que le gouvernement américain prévoyait de remplacer la méga-fuséefusée lunaire et le vaisseau en partie fabriqué en Europe par une autre solution (sans doute le Starship).

    C'est donc un soulagement pour l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) qui a déjà commencé le développement des modules de services d'Orion pour Artemis IV et V. Comme autre soulagement, le Congrès a préservé le financement de la future station spatiale internationalestation spatiale internationale GatewayGateway en orbiteorbite lunaire, à laquelle Donald Trump voulait mettre fin.

    Mais, même avec ce sauvetage, l'Agence spatiale européenne se méfie. Les États-Unis « ne sont pas un partenaire fiable », a glissé le directeur stratégique de l'ESA Didier Schmitt aux Assises du New SpaceNew Space. En effet, on trembletremble encore sur l'avenir des missions scientifiques à la Nasa, dont le budget est menacé d'une coupe de 50 %. Aucun sauvetage de prévu par le Congrès avec le « Big Beautiful Bill ».

    En guerre contre Musk

    La politique spatiale du gouvernement Trump ne peut plus compter sur les inspirations martiennes d'Elon MuskElon Musk, qui vient de créer un parti politique d'opposition à Donald Trump.

    La rivalité entre les deux milliardaires charge de nuagesnuages l'avenir de l'exploration spatiale américaine. Cap vers Mars ou cap vers la Lune ? Musk qui considérait l'exploration lunaire comme une « distraction » a fait du lobbying intense pour aller directement sur Mars. Le budget annuel pour 2026 a d'ailleurs été construit ainsi en voulant mettre fin aux missions lunaires et en augmentant le budget pour l'exploration humaine de la Planète rouge.

    En sera-t-il toujours ainsi ? En ratifiant le « Big Beautiful Bill », Trump a donné son feu vert au sauvetage du programme lunaire.

    Plus le Starship prend du retard dans son développement, plus il perd en crédibilité aux yeux de Trump. Peu à peu la question se pose : bientôt la fin ? © NSF
    Plus le Starship prend du retard dans son développement, plus il perd en crédibilité aux yeux de Trump. Peu à peu la question se pose : bientôt la fin ? © NSF

    Le Starship martien pourrait donc attendre. Les retards du développement mettent aussi en danger la version lunaire, initialement retenue par la Nasa pour faire atterrir sur la Lune les astronautesastronautes des missions Artemis III et IV. Pour rappel, la Nasa a retenu un autre alunisseur, développé par Blue Origin - la compagnie fondée par Jeff BezosJeff Bezos - pour des missions Artemis ultérieures.

    Dans sa guerre contre Musk, Donald Trump envisagera-t-il d'abandonner le Starship pour revenir à cette solution plus simple ? Le Président avait promis de réviser tous les contrats gouvernementaux passés avec SpaceXSpaceX. Il a aussi retiré la candidature de Jared Isaacman, qu'il avait nommé pour devenir directeur de la Nasa sur les conseils d'Elon Musk.

    La relation entre Sean Duffy et Elon Musk n'est pas au beau fixe non plus. Le New York Times avait révélé en mars un échange houleux entre les deux hommes lors d'un conseil ministériel. Musk dirigeait à l'époque le Doge, un département dédié aux réductions des dépenses fédérales, qui avait alors conseillé de réduire le nombre de contrôleurs aériens.

    Quelques heures après sa nomination comme secrétaire aux transports, Sean Duffy devait gérer la collision aérienne en sortie de l'aéroport de Washington, qui aurait pu être évitée sans ces licenciements. Duffy a alors accusé Musk et le Doge de mettre en danger la sécurité des vols aériens.