Qu'est-ce qui fait véritablement épanouir l'être humain à travers le monde ? Une enquête d'envergure impliquant plus de 200 000 personnes dans 22 pays révèle des modèles mondiaux et des différences locales de bien-être. Pourquoi certaines populations s'épanouissent-elles davantage que d'autres ? Les résultats défient nos idées préconçues sur la richesse et le bonheur.


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    L'épanouissement humain dépasse largement la simple sensation de bien-être ou la réussite matérielle. Cette notion multidimensionnelle, enracinée dans le concept aristotélicien d'eudaimonia, englobe les émotions positives, l'engagement, les relations, le sens et l'accomplissement. Pour mieux comprendre ces dynamiques complexes, une équipe internationale de chercheurs a lancé l'Étude mondiale sur l'Épanouissement, un projet ambitieux qui étudie les fondements du bien-être à travers différentes cultures.

    Les dimensions fondamentales de l'épanouissement humain

    L'Étude mondiale sur l'Épanouissement examine six dimensions clés qui constituent une vie épanouie. Ces piliers interdépendants forment un cadre cohérent permettant d'évaluer le bien-être global des populations à l'échelle internationale :

    • Le bonheur et la satisfaction de vie : sentiment de contentement et d'accomplissement.
    • La santé physique et mentale : bien-être corporel et psychologique.
    • Le sens et l'objectif : perception de signification et direction dans l'existence.
    • Le caractère et la vertu : comportements éthiques face aux défis.
    • Les relations sociales proches : qualité des liens familiaux et amicaux.
    • La stabilité financière et matérielle : sécurité concernant les besoins fondamentaux.

    Pour quantifier ces dimensions, les chercheurs ont utilisé une échelle de 0 à 10, complétée par des questions supplémentaires évaluant des facteurs comme l'optimisme, l'équilibre de vie, la douleurdouleur, la dépression, la confiance et le soutien social. Cette approche holistique permet de capturer la complexité du bien-être humain au-delà des indicateurs économiques traditionnels.

    Le top 3 des pays où les gens s’épanouissent le plus confirme que… l'argent ne fait pas le bonheur. © Ridofranz, iStock
    Le top 3 des pays où les gens s’épanouissent le plus confirme que… l'argent ne fait pas le bonheur. © Ridofranz, iStock

    Surprenantes disparités d'épanouissement à travers les âges et les cultures

    Contrairement aux attentes, les jeunes adultes d'aujourd'hui présentent des niveaux d'épanouissement inférieurs à ceux des personnes âgées dans de nombreux pays. Ce constat bouleverse la courbe traditionnelle en U du bien-être au cours de la vie, où le point le plus bas se situait habituellement à l'âge moyen. Les défis croissants en matière de santé mentale, d'insécurité financière et de quête de sens semblent particulièrement affecter les nouvelles générations.

    L'étude révèle également que le mariage est généralement associé à un meilleur soutien social, des relations plus satisfaisantes et un sens accru de la vie. De même, les personnes en activité professionnelle, qu'elles soient salariées ou indépendantes, tendent à se sentir plus heureuses et en sécurité que celles en recherche d'emploi.

    Un résultat particulièrement frappant concerne l'impact positif de la pratique religieuse régulière sur toutes les dimensions de l'épanouissement, y compris dans des pays très sécularisés comme la Suède. Les communautés religieuses semblent offrir ce que les psychologues appellent les quatre B : appartenance (belonging), lien spirituel (bonding), comportement éthique (behaving) et croyances partagées (believing).

    Richesse nationale et épanouissement individuel : une relation complexe

    L'Indonésie émerge comme l'un des pays les plus épanouis de l'étude, avec des scores élevés en matière de sens, de relations et de caractère. Le Mexique et les Philippines affichent également des résultats remarquables malgré des revenus nationaux plus modestes, témoignant de la force de leurs liens familiaux, vies spirituelles et soutiens communautaires.

    À l'inverse, des pays économiquement prospères comme le Japon et les États-Unis présentent des niveaux d'épanouissement plus mitigés. Le Japon, malgré sa puissance économique, souffre d'un déficit de bonheur et de connexions sociales, possiblement lié aux longues heures de travail et au stressstress. Les États-Unis et la Suède excellent en stabilité financière, mais obtiennent des scores inférieurs en matière de sens et de relations.

    Cette découverte paradoxale suggère que la richesse nationale n'équivaut pas automatiquement au bien-être collectif. Les pays à revenus élevés rapportent souvent des niveaux plus faibles de sens et d'objectif dans la vie, tandis que ceux avec des taux de féconditétaux de fécondité supérieurs témoignent généralement d'un plus grand sentiment de sens. Ce constat met en lumière les potentiels compromis entre progrès économique et certaines dimensions fondamentales de l'épanouissement humain.

    Vers une compréhension plus nuancée du bien-être mondial

    L'étude, dont les travaux de recherche ont été publiés dans Nature, révèle que les aspirations humaines fondamentales - bonheur, santé, connexion et sécurité - sont universelles, mais les chemins pour les atteindre varient considérablement selon les contextes culturels. Cette recherche constitue une première étape importante, tout en reconnaissant ses limites méthodologiques, notamment l'utilisation d'un questionnaire standardisé pour toutes les cultures.

    Les futures recherches devront adopter des approches plus localisées, tenant compte des valeurs, langages et réalités quotidiennes spécifiques à chaque société. La poursuite de l'épanouissement humain global nécessite de reconnaître tant nos aspirations communes que nos différences culturelles significatives.