L’Europe se réarme, et d’ambitieux programmes technologiques émergent, l’un d’entre eux visant à protéger le ciel européen. Depuis plusieurs années, le SCAF intrigue, passionne et interroge. Fruit d’une coopération entre trois pays, le futur avion de chasse de sixième génération pourrait cependant voler sous pavillon exclusivement français…


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    Au sein de la base industrielle et technologie de défense (BITD) française, la conception d'un chasseur de sixième génération occupe une place capitale. Entre enjeux technologiques et tractations politiques, le Système de combat aérien du futur (SCAF) fait régulièrement parler de lui. Et pour cause : le projet se veut ambitieux, permettant à plusieurs pays européens de se doter d'un chasseur furtif, le New Generation Fighter (NGF), capable de se hausser au niveau des standards américains, chinois et russe, tout en renforçant la collaboration militaire entre les pays de l'Union. Mais le projet semble avoir du plombplomb dans l'aile. Tandis que Dassault se positionne comme un le meneur de ce projet ambitieux, d'autres acteurs souhaitent imposer leur vision, faisant émerger des incertitudes quant à la coopération entre les nations.

    Un consortium pour le futur de la défense européenne 

    En 2017, le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel annoncent conjointement le début d'une collaboration entre les deux pays pour aboutir à la mise en service d'un nouvel avion de chasse. Aux manettes de ce projet, Dassault, ayant acquis une reconnaissance internationale grâce au Mirage et au Rafale, et Airbus, créateur de l'aéronefaéronef Eurofighter Typhoon. L'Espagne rejoint l'alliance en février 2019, avec pour objectif de moderniser une flotte vieillissante de F/A-18 et de Harrier. L'objectif est de mettre en service le SCAF à l'horizon 2040, avec les premières démonstrations avant 2030.

    En 2019, une maquette du SCAF était présentée au Salon du Bourget, offrant une vue potentielle du futur système de combat. © CC BY-SA 4.0, Tiraden
    En 2019, une maquette du SCAF était présentée au Salon du Bourget, offrant une vue potentielle du futur système de combat. © CC BY-SA 4.0, Tiraden

    Dès 2021, les premières tensions apparaissent entre les protagonistes. La direction du programme est contestée, Airbus Allemagne et Espagne et Dassault se disputant le rôle de maitre d'œuvre sur la conception de l'appareil. Le SCAF doit être à la pointe de la technologie aérienne militaire. Outre le profil furtif du NGF lui permettant d'opérer sur différents théâtres et selon diverses configurations, ce futur chasseur doit être en capacité de réaliser des actions de guerre électronique et de renseignement. Pour les ingénieurs, l'avenir de l'aviation militaire passe par une connexion permanente à un cloud de combat et l'incrémentation de nuées de drones, destinées à apporter un soutien viable à l'avion. Et si des maquettes sont présentées lors de plusieurs salons de la défense, aucun progrès notable n'est réalisé par le consortium Airbus-Dassault.

    Une vision multilatérale… Ou non

    Le SCAF se pare d'une dimension politique sans précédent. Dassault coté français et Airbus pour l'Allemagne et l'Espagne contestent la répartition des responsabilités sur la conception du système. De négociations en contestations, le SCAF reste bloqué en phase 1B depuis avril 2023, soit en étude. Dassault, fort des excellentes ventes du Rafale depuis 2020, manifeste sa volonté d'accélérer la fabrication d'un démonstrateurdémonstrateur en vue d'un vol expérimental lors de la phase 2. En audience lors d'une commission à l'Assemblée nationale en avril 2025, le directeur général de Dassault Aviations Éric Trappier dénonçait l'immobilisme induit par les négociations permanentes entre les trois acteurs du projet.

    Alors que la Chine commence à tester un aéronef de sixième génération et que les États-Unis annonçaient récemment la sélection de Boeing pour la création du NGAD, l'avionneur français soulignait ces derniers mois l'importance du SCAF pour la BITD européenne. Comme indiqué par le journal spécialisé DSI en 2024, le programme SCAF doit permettre au NGF d'assurer des fonctions capitales pour les armées françaises. Le futur avion de combat doit notamment pouvoir grossir la flotte aéronavale et étant intégré au porte-avions de nouvelle génération, le PANG. D'autres observateurs évoquent le rôle du chasseur dans la dissuasion stratégique française et les contraintes attenantes. Des questions primordiales qui interrogent sur la collaboration avec l'Allemagne et l'Espagne, la constructionconstruction du NGF dans le cadre du SCAF nécessitant de considérer ces facteurs essentiels.

    Avec le programme de drones furtifs nEUROn, Dassault fait un pas supplémentaire vers le SCAF et le cloud de combat. Ces nouveaux engins pourraient voler avec les Rafale au cours des prochaines années. © Dassault
    Avec le programme de drones furtifs nEUROn, Dassault fait un pas supplémentaire vers le SCAF et le cloud de combat. Ces nouveaux engins pourraient voler avec les Rafale au cours des prochaines années. © Dassault

    Face à l'impasse, Dassault affirmait de nouveau sa position lors du Salon du Bourget 2025 : l'avionneur possède toutes les capacités pour fabriquer et produire un démonstrateur viable pour le NGF entre 2027 et 2030. Le 7 juillet, la compagnie annonçait vouloir piloter 80 % des taches industrielles propres à la construction du NGF, selon Opex News. L'hypothèse d'un futur chasseur de sixième génération exclusivement français n'est plus écarté. Reste désormais à établir si le SCAF connaîtra un destin similaire à celui du Rafale. L'actuel avion de chasse des forces armées françaises, mis en service à partir de 2001, était conçu après la décision de la France de sortir d'un programme entre le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie, en 1985. Ce dernier aboutissait alors sur le lancement de l'Eurofighter. Dassault impulsait la production du Rafale... Avec le succès que nous lui connaissons.